Etude de l’article

"Notes sur le Serment Maçonnique du premier grade" de René Désaguliers.

Renaissance Traditionnelle n°1-Janvier 1970

Travail de la S. Apprenti Morgane S. (2019)

A propos des articles publiés sur le site de L'Anglaise : seuls les travaux concernant l'Histoire, les textes fondateurs et la pratique maçonnique font l'objet d'une publication. Les travaux plus "personnels" ayant trait au symbolisme, ou ceux révélant des éléments précis des rituels et cérémonies sont gardés pour l'intimité de la Loge.

V:. M:. il y a quelques mois, vous m’avez confié la lourde tâche que d’étudier le premier article paru dans le premier numéro de Renaissance Traditionnelle, revue française trimestrielle d'études maçonniques et symboliques fondée par René Guilly en 1970.

Si le nom de René Guilly n’est pas inconnu à l’ensemble des F:.F:. et S:.S:. de cette respectable loge, ces quelques mots devraient les aider à retrouver ce souvenir : “Et dis leur bien que nous nous faisons une très haute idée de la franc-maçonnerie”.

René Guilly, plus connu sous son nom de plume, René Désaguliers, est également le père fondateur de la Loge Nationale Française et auteur de cet article.

Une majeure partie de son œuvre consiste en l’étude des textes dits “fondateurs” de la maçonnerie.

Il n’est alors pas surprenant de le voir écrire sur le serment maçonnique au premier grade. Cette notion, bien qu’ayant évolué, demeure présente depuis la naissance de la maçonnerie.

S’agissant du premier travail d’apprenti de la Loge, je ne savais pas s’il était question d’une analyse de l’article, ou bien du serment lui-même. Il m’est très vite apparu qu’une analyse de l’article n’était pas possible sans quelques explications quant au sujet.

C’est alors une recherche sur le serment qui vous sera présentée, toutefois guidée par l’analyse de René Désaguliers.

Le sujet sera alors appréhendé sous différents angles. Avant de se focaliser sur le serment maçonnique et sa symbolique, il semble élémentaire de rappeler la place du serment dans le monde profane.

Ensuite, c’est la place que réserve le serment à Dieu qui sera analysée.

Ces trois approches me permettront de vous livrer quelques notes plus personnelles quant au sujet et d’ouvrir la voie à une discussion guidée par mes F:.F:. et S:.S:. bien plus expérimentés que moi.

Le serment dans le monde profane

D’après les recherches, il apparaît que le serment a su se créer une place importante dans l’Histoire, et ce très tôt. Au sein de l’Histoire française, on pense notamment au célèbre serment du Jeu de Paume de 1789, scellant l’association du tiers état, du clergé et de la noblesse pour l’élaboration d’une nouvelle constitution.

Aujourd’hui encore, le serment est omniprésent. Il peut avoir un volet juridique, comme le serment prêté par l’Avocat, le magistrat ou les témoins, mais aussi une vocation scientifique, on pense notamment au serment d’Hippocrate prêté par les Médecins ou du serment de Galien prêté par les Pharmaciens. Il faut noter que la présence du serment dans notre quotidien est bien plus étendue : elle touche le facteur, le gendarme, le politique, mais aussi l’Officier de Marine par exemple.

Quelque en soit son contexte, le serment se définit de manière générale comme l’affirmation solennelle de quelqu'un en vue d’attester de la vérité d’un fait, la sincérité d’une promesse, l’engagement de bien remplir les devoirs de sa fonction.

On retrouve une ossature commune à l’ensemble des serments.

Le serment induit un changement de situation, il existe un avant et un après serment. C’est un engagement qui vient acter un passage, et assurer le respect de règles prédéfinies. En outre, il se rapporte à une notion de lien entre les personnes ayant prêté le même serment, répondant alors aux mêmes règles.

Si nous l’avons vu, le serment est un élément non-négligeable de l’Histoire, c’est sans surprise qu’il trouve sa place dans l’univers de la maçonnerie opérative.

Le serment maçonnique

Le serment et la maçonnerie opérative

Plongeons-nous alors au Moyen-Age, la maçonnerie opérative est à son apogée. À cette époque, les enjeux sont importants : on parle ici d’une maçonnerie de pierre taillées (et non pas sèches) qui a vocation à entreprendre des ouvrages d’envergure. Le choix et la qualification des hommes qui y procéderont sont alors primordiaux.

Comment alors, un homme du métier, un maçon émérite, pourrait-il prouver ses compétences à un Maître ? Comment montrer que son apprentissage est réussi et qu’il n’est pas un simple « cowan », un ouvrier ?

Par le « Mot » du maçon.

En effet, par la prononciation du « Mot », le maçon, prouve alors qu’il a toutes les qualifications requises pour le poste. On peut y voir quelque part l’ancêtre du diplôme, longtemps avant que l’écriture ne soit répandue.

S’en suit alors la seconde interrogation : comment prendre connaissance de ce mot ?

L’obtention du Mot est conditionnée à la prestation de serment. Ce dernier vient préserver la communication dudit Mot. C’est là une notion fondamentale : si ce Mot du Maçon était révélé à quiconque n'appartenant pas au métier, il pourrait donc prétendre indûment à ces qualifications. De ce fait, la profession serait biaisée et les vrais maçons seraient alors victimes d'une dévalorisation leur savoir-faire et de leur métier.

Le serment était alors considéré comme le moyen le plus sûr de protéger le Mot, donc la profession elle-même et ses membres.

C’est précisément cette dynamique que l’on retrouve au sein des “old charges” de la maçonnerie. Après avoir étudié et comparé Le Manuscrit des Archives d’Edimbourg de 1696, le Manuscrit Chetwode Crawley de 1700 et le Manuscrit Kevan dont la rédaction est estimée entre 1714 et 1720, René Désaguliers a pu établir le serment probablement pratiqué en Ecosse entre 1696 et 1714.

La dynamique de ce serment est alors la même que celle présentée précédemment. L’objectif principal du serment n’est autre que la communication du Mot du Maçon.

C’est à compter du Manuscrit de Graham en 1626 que l’on note une évolution majeure : le serment n’a plus vocation à permettre la communication du Mot, mais bien des “Secrets des maçons”. le serment n’a plus vocation à permettre la communication du Mot, mais bien des “Secrets des maçons”.

Le serment dans la maçonnerie spéculative

Après lecture des différents serments présentés par René Désaguliers dans son article, il apparaît qu’il en existe une très grande variété, notamment en fonction des rites. Or, il semble également que tous, aient de nombreuses caractéristiques communes.

La première caractéristique commune à tous les serments d’apprenti est le cadre dans lequel il est prêté : la cérémonie d’initiation.

Le serment est toujours pratiqué durant la cérémonie d’initiation. Il est prononcé après avoir convenablement préparé le candidat et l’avoir présenté à l’ensemble de la Loge.

C’est un moment très important de la cérémonie. À son issue, le candidat sera alors un F:. ou une S:. et la lumière lui est rendue. Son instruction débute.

L’importance du serment dans cette cérémonie est flagrante.

La cérémonie ayant pour objectif l’initiation d’un candidat, c’est-à-dire le passage de profane à celui de Franc-Maçon ; et le serment se présentant comme la condition sine qua non pour accéder au statut de Franc-Maçon ; sans le serment, la cérémonie serait vidée de sa substance.

Le serment a aussi des objectifs qui ne sauraient être modifiés. Il a pour objet principal de préserver quelque chose de secret. Qu’il s’agisse d’un mot, de secrets plus vastes et de mystères, on note des évolutions dans ce qui doit être protégé. Le serment est l’engagement à préserver ce qui va être confié à la personne qui le prête. De la même manière, sa rédaction est faite de telle sorte que la personne qui le prête prend acte des obligations et des règles qu’elle devra respecter, notamment des valeurs morales et éthiques.

Pour finir quant aux caractéristiques communes, il faut noter que tous les serments accordent grande importance aux châtiments relatifs à leur non-respect.

Ici aussi, on note une évolution des châtiments au fil du temps, expliqués tant par le passage d’une maçonnerie opérative à une maçonnerie spéculative, que par un cadre socio-culturel changeant.

A l’heure actuelle, si les châtiments pratiqués jadis sont toujours évoqués dans le serment, il semble que le réel châtiment encourus par la trahison du serment n’est autre que moral : avec pour notion centrale la vertu et la dignité.

L’ancien châtiment, qui est celui d’avoir la gorge tranchée, nous est cependant rappelé par le signe.

Qu’il s’agisse des châtiments ou des obligations, ces derniers sont formulés devant un témoin, qui n’est autre que Dieu.

La place du divin dans le serment maçonnique

Pour cerner l’importance de la présence de Dieu dans le serment, il est important de se poser deux questions : “sur quoi prête-t-on serment ?” Mais surtout “devant qui prête-t-on serment ?”

Ainsi, il en ressort que l’apparition de Dieu au sein du serment est double. Elle passe à la fois par l’instrument du serment, mais également par la prise à témoin de Dieu lui-même.

Premièrement, portons-nous sur l’instrument du serment.

On a tout d’abord une première mouvance, en Ecosse et Angleterre, des années 1696 à 1730 environ qui veut que le serment soit prêté sur la Bible elle-même.

En revanche, en France, on prête serment sur l’Évangile, et particulièrement sur l’Évangile selon Saint-Jean. Il existe quelques exceptions à cette règle notamment au sein du Sceau Rompu de 1745.

Il ressort de nombreux textes que parmi les obligations formulées dans le serment, étaient présentes notamment des règles de fidélité à la religion.

Ceci explique alors que c'est Dieu lui-même qui est pris à témoin - qu’on l’évoque fermement ou qu’on l’appelle Grand Architecte de l’Univers. Il permet de donner un caractère universel à ce serment : si la personne qui prête serment est croyante, alors quelle meilleure garantie que de jurer devant Dieu ?

Je suis croyante, à ma façon, mais je le suis, le fait de prêter serment devant Dieu n’a fait qu’accentuer l’importance de ce serment à mes yeux. Aujourd’hui, ce dernier a un réel impact sur ma vie quotidienne.

L’impact de ma prestation de serment sur ma vie quotidienne

Le 24 octobre dernier, je prononçais ces mots. Je vous expliquais dans mes impressions d’initiation que cette soirée avait été vécue comme un tournant.

Aujourd’hui, je comprends mieux pourquoi. Ce serment est un engagement envers Dieu, envers mes S:.S:. et mes F:.F:. mais surtout envers moi.

Par ce serment, outre la protection des secrets qui m’ont été et me seront confiés, je me suis engagée à avoir un comportement digne, respectueux et droit.

Ce serment me rappelle qu’on m’a fait l’honneur de m’accepter parmi les maçons et qu’il faut en être digne, que si l’on veut pouvoir améliorer la société, il faut commencer par s’améliorer soi-même.

Je demandais, il y a peu de temps à notre V:.M:., certes un peu naïvement, “quand est-ce qu’on est un bon maçon ?”.

Je ne pense pas avoir trouvé la réponse à cette question, mais je pense, que lorsqu'on se la pose, c’est un bon commencement.

Je tente ainsi, tous les jours, de me tenir au premier, et sans doute le plus important, des engagement solennelle que j’ai prononcé dans ma vie.

Renaissance Traditionnelle N° 1 (Janvier 1970)

  • Jean-Pierre Crystal - Avant-dire. p. 1
  • René Désaguliers - Notes sur le serment maçonnique du premier grade. p. 3
  • Roland Renais - Pour l'étude d'une Maçonnerie méconnue. p. 21
  • P. p. et J. C. - Impressions d'Initiation. p. 32
  • Gérard de Crancé - Incitation à la connaissance du Compagnonnage - I. Vocabulaire – Dates – Tableau – Bibliographie. p. 40
  • Jean-Pierre Crystal - Le Jeune nu de l'Évangile de Marc. p. 64
  • Documents et Informations. p. 72

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